Simulation en podologie : 3 idées pour une formation améliorée
Maxime Segalen, Podologue et chef de projet, février 2021
La simulation en santé existe dans toutes les professions médicales et paramédicales avec le recours à la réalité augmentée, l’impression 3D ou encore l’intelligence artificielle.
Une profession s’y intéresse de plus en plus et commence à mettre le « pied » dedans : les podologues.
Quelle vision avoir sur l’inclusion de la simulation médicale en podologie ? Quels bénéfices en tirer pour la profession ? Force est de constater que l’intégration de la simulation dans le cursus pédagogique en podologie est encore trop timorée, bien que des solutions spécifiques au monde de la podologie ont émergé ces dernières années.
Je vous propose dans cet article de revenir sur le sujet de la simulation en podologie et ses bénéfices pour la profession mais également de découvrir quelques cas d’usage réel.
L’apparition de la simulation en santé en France ?
Qui n’a jamais entendu ces dernières années, la fameuse devise, devenue « leitmotiv » de la simulation en santé : « Jamais la première fois sur le patient » ?
Never the first time on the patient !
En France, on découvre cette notion en Janvier 2012 dans le rapport de mission sur la simulation en santé commandée par la Haute Autorité de Santé. Ce rapport était accompagné de dix propositions qui devaient permettre d’une part, un développement structuré de la simulation, et d’autre part, une amélioration concrète de la qualité et de la sécurité des soins.
Parallèlement de plus en plus d’études scientifiques montrent l’intérêt de la simulation en santé.
Huit ans après la remise de ce rapport, quels sont les fruits de ces propositions dans le cursus de formation en podologie en France et quels avantages apportent la simulation dans la formation initiale ?
La simulation en podologie en France, une situation disparate
Là où les universités de médecine podiatrique nord-américaines ont complètement intégré la simulation dans leur cursus, en France, cette intégration se fait plus lentement.
La grande liberté de dispense des unités d’enseignements laissée par l’adoption du décret de Juillet 2012 explique le développement à deux vitesses de la simulation au sein des instituts de formation. En effet, tandis que certains centres de formation s’équipent en simulateurs pédagogiques pour l’initiation aux maniements des instruments spécifiques et que d’autres développent des programmes d’enseignements basés sur des scenarii de soins avec des centres de simulations, certains utilisent encore des légumes ou des bougies comme support de formation.
Cette dichotomie dans l’approche de l’enseignement aboutit à des promotions de jeunes podologues diplômés ne disposant pas des mêmes armes pour affronter l’exercice libéral. Certains sont donc plus susceptibles de faire des erreurs au cours de leur pratique.
La simulation en podologie : de réels bénéfices pour les étudiants ?
Au cours de la formation initiale, l’accueil d’un patient hyperalgique présentant une pathologie dont l’étudiant n’a qu’une expérience théorique est souvent source de stress et d’appréhension. La peur de provoquer la douleur pousse bien souvent l’étudiant à l’erreur ; soit en provoquant malgré lui une douleur au patient, soit en ne traitant pas parfaitement le motif de consultation.
Sécuriser le début d’apprentissage des étudiants
À l’aide des simulateurs, l’étudiant peut s’entraîner sans risque à adopter le bon geste. Il a la possibilité de se tromper sans que cela n’ait d’impact ni sur le bien être ou la santé du patient ni dans sa confiance à prendre en charge la pathologie.
Mieux appréhender une pathologie trop peu souvent rencontrée
Le but est aussi de pallier le manque de patient présentant ce genre de pathologie en institut afin de permettre à chaque étudiant de s’entrainer sur les différentes formes que peut prendre une pathologie. En effet, il existe encore trop d’inégalités d’accès aux pathologies en institut de formation, en grande partie due aux manques d’hétérogénéité des populations fréquentant ces établissements.
Augmenter la confiance des étudiants dans la prise en charge des pathologies
Les simulateurs permettent à l’étudiant de prendre en charge une pathologie complexe sans peur de dérapage. Cela permettra à l’étudiant de mieux connaître les pathologies qu’il traite et donc de mieux les appréhender une fois en cabinet. Cette prise de confiance se traduira à terme par une meilleure prise en charge de la pathologie une fois diplômé.
À l’inverse d’un enseignement mettant prématurément en contact l’étudiant inexpérimenté avec le patient, la simulation ne présente aucun risque et permet même aux jeunes podologues de « faire des erreurs ». La culture positive de l’erreur permet à l’étudiant d’apprendre de ses échecs et de gagner en expérience afin d’être encore plus efficient une fois au contact de patients.
En somme, l’expérience acquise par la simulation favorise la réussite du soin et, de la même façon, réduit la fréquence d’évènements iatrogènes pour le patient.
On ne peut donc qu’espérer de la podologie française qu’elle suive le même chemin que ses homologues internationaux et que les autres professions médicales et paramédicales françaises.
Tour d’horizon de 3 solutions de simulation existantes
La simulation en santé peut prendre différentes formes. Aussi bien virtuelle que physique, elle regorge de multiples outils pour améliorer la qualité des formations dispensées en podologie, aussi bien en formation initiale qu’en formation continue.
Voici un tour d’horizon non exhaustif des innovations les plus fréquemment rencontrées en simulation de santé et pouvant s’appliquer à la podologie
La simulation par réalité virtuelle, aussi appelée VR, a pour but l’apprentissage des protocoles et des gestes de soins au sein d’un environnement immersif réel ou imaginaire. Cette simulation utilise principalement comme outils des casques de réalité virtuelle. Ces outils ont d’abord été développé pour le milieu du jeu vidéo mais s’impose maintenant comme de sérieux outils de formations à l’image de certains Serious Games.
S’ils ont déjà démontré leurs intérêts pédagogiques, ils restent malgré tout assez peu adaptés à une application au milieu de la podologie. Le coût exorbitant de ces outils conçus sur-mesure allant de plusieurs dizaines de milliers de dollars jusqu’à plusieurs millions est un frein considérable à une application en podologie, sans compter le coût des équipements annexes (Casques VR, PC performants, …) qui ne fait qu’assaisonner une ardoise qui est déjà bien salée.
Dans son « Guide de bonnes pratiques en matière de simulation en santé » de Décembre 2012, la HAS décrit la simulation en santé par jeu de rôles comme « […] une technique pédagogique d’apprentissage des habiletés relationnelles. Il s’agit de simuler une situation vraisemblable et en partie imprévisible dans un environnement fictif spécifique. Les personnes y jouent un rôle fictif plus ou moins déterminé, en improvisant le dialogue. Il peut permettre d’analyser les comportements des acteurs et de donner un retour d’information sur son propre comportement. »
Les scénarios peuvent être réalisés sur-mesure afin de s’adapter à la spécialité médicale ou paramédicale visée mais suivent un même modèle qui se conclue par une évaluation objective des performances des acteurs et tout particulièrement de celle du professionnel de santé. Cette pratique est déjà utilisée en formation initiale et en formation continue et elle constitue l’aspect de la simulation en santé la plus utilisée aujourd’hui en podologie.
Ce type de simulation présente beaucoup d’intérêt dans l’analyse et la recherche d’un diagnostic podologique mais n’en présente que très peu dans l’acquisition et l’amélioration des gestes et actes de soins.
La simulation synthétique utilise des modèles physiques hautement réaliste comme base d’entrainements à l’acquisition de gestes techniques et constituent le complément parfait de la simulation par jeu de rôle.
Ces modèles physiques peuvent prendre la forme de mannequins d’entrainements, connectés ou non, d’éléments ou de régions anatomiques ciblées et permettent de mettre en lumière une pathologie particulière ou un acte de soin précis.
Aujourd’hui la simulation synthétique est en lien étroit avec une autre technologie qui est l’impression 3D. Celle-ci permet de réduire drastiquement les coûts d’acquisition des simulateurs en les décomposant facilement en une partie support conservable à long terme et une partie destructible localisée au niveau de la région d’intérêt.
De nombreux simulateurs imprimés en 3D voient le jour chaque année, toujours plus réalistes en termes de texture et toujours plus précis dans la représentation des pathologies.
La podologie n’est pas en reste et est également concernées par ces innovations. Récemment, des simulateurs de soins unguéaux, tel que PodoTrain by Bone3D, sont proposés et permettent aux étudiants en podologie de s’entrainer aussi bien à l’acquisition de gestes de soins tels que le fraisage, la coupe d’ongle ou l’exérèse d’hyperkératose, qu’à la pose de petits appareillages ou la réalisation d’onychoplastie.
De la même façon que les usages et les actes médicaux évoluent et s’améliorent avec le temps, il devrait en être de même pour les outils de formations. Il relève de la responsabilité des ordres nationaux et des sociétés savantes d’adapter l’enseignement de leurs professions en fonction des percées technologiques médicales mais aussi pédagogiques, cela afin que les pratiques professionnelles puissent refléter au mieux les dernières avancées dans leurs domaines.
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